Le préjudice d’agréement

Le prejudice d’agrement : obtenir reparation d’une perte de plaisirs de la vie

Parmi les nombreux préjudices indemnisables en droit du dommage corporel, le préjudice d’agrément tient une place particulière. Moins connu que le déficit fonctionnel ou le préjudice professionnel, il n’en est pas moins essentiel pour de nombreuses victimes. Il touche à un aspect fondamental de la vie : la possibilité de pratiquer des activités de loisir, de sport ou de divertissement. Autrement dit, ce qui fait le sel de l’existence.

Dans cet article, nous vous proposons de faire un point complet sur ce poste de préjudice : sa définition, ses conditions d’indemnisation, les difficultés de preuve, ainsi que les enjeux liés à sa reconnaissance. En tant qu’avocats en réparation du dommage corporel, notre rôle est d’accompagner chaque victime pour faire valoir l’ensemble de ses droits, y compris dans les domaines les plus personnels comme celui des loisirs.

Le préjudice d’agrément est un préjudice reconnu par les tribunaux et désormais intégré dans la nomenclature Dintilhac, qui sert souvent de référence dans l’évaluation des préjudices corporels.

Selon la définition classique, il s’agit de :

« L’impossibilité pour la victime de se livrer régulièrement à une activité spécifique de loisir », qu’elle pratiquait avant l’accident, du fait de son handicap ou de ses séquelles.

Il ne s’agit donc pas d’un simple inconfort ou d’une diminution générale du plaisir de vivre, mais bien de la gêne ou de la perte d’une activité déterminée : sport, musique, jardinage, bricolage, danse, voyages, ou toute autre occupation librement choisie et exercée auparavant.

Quelques exemples concrets de préjudices d’agrément

Profil : Monsieur P., 58 ans, cadre supérieur à la retraite anticipée, passionné de bricolage et de menuiserie.
Activité : Il passait plusieurs heures par semaine dans son atelier à réaliser des meubles, réparer des objets, ou aider ses proches à rénover leur logement.
Accident : Victime d’un accident domestique, il souffre de graves lésions à la main droite, avec perte de mobilité des doigts.
Conséquence : Il ne peut plus manipuler ses outils de manière sécurisée. Même les tâches simples (ponçage, vissage, etc.) sont devenues impossibles ou douloureuses.
Indemnisation : Préjudice d’agrément reconnu à lui seul et indemnisé à hauteur de 7 000 €, en plus des autres préjudices.

Profil : Madame L., 33 ans, assistante sociale et violoniste amateure.
Activité : Elle jouait du violon depuis l’enfance, participait à des concerts avec un orchestre local, et répétait deux fois par semaine.
Accident : Elle est victime d’un accident de la route avec atteinte à l’épaule droite (épaule dominante).
Conséquence : Ses douleurs chroniques et la raideur articulaire l’empêchent de tenir son instrument et de jouer avec justesse. Elle a dû se retirer de l’orchestre. Indemnisation : Préjudice d’agrément retenu à hauteur de 6 500 €, en raison de l’importance de cette activité dans sa vie personnelle et sociale.

Profil : Théo, 20 ans, étudiant et cycliste amateur inscrit en club depuis l’adolescence.
Activité : Il participait à des courses régionales, s’entraînait plusieurs fois par semaine, et vivait pour le vélo.
Accident : Chute à vélo lors d’un entraînement. Fracture du fémur, complications, et séquelles définitives entraînant une boiterie.
Conséquence : Interdiction de la pratique sportive intense. Il ne pourra plus concourir.

Indemnisation : Le préjudice d’agrément a été reconnu en plus du préjudice professionnel (carrière sportive avortée) à hauteur de 12 000 €, en tenant compte de son jeune âge et de la dimension identitaire du sport dans sa vie.

Quelles sont les conditions pour l’indemniser ?

Pour que le préjudice d’agrément soit reconnu et indemnisé, plusieurs conditions doivent être réunies :

La victime doit démontrer qu’elle pratiquait effectivement une activité de loisir avant l’accident. La jurisprudence exige une activité réelle et habituelle, et non une simple envie ou un projet.

L’arrêt ou la gêne doit être conséquence directe des séquelles laissées par l’accident. Il ne suffit pas que la victime ait simplement cessé l’activité sans lien médical ou fonctionnel prouvé.

Comme pour tout poste de préjudice, il faut établir le lien de causalité entre l’accident et la perte du loisir. Cela implique que les séquelles médicales soient suffisamment caractérisées pour expliquer la perte de l’activité.

Comment prouver le préjudice d’agrément ?

La preuve est souvent le nerf de la guerre dans la réparation du dommage corporel. Pour le préjudice d’agrément, il est impératif de documenter autant que possible la pratique de loisir antérieure à l’accident.

Voici quelques exemples de pièces utiles :

  • Inscriptions à des clubs, associations, fédérations
  • Licences sportives
  • Photos, vidéos
  • Témoignages d’amis, de proches, de coéquipiers (lisez notre article sur les témoignages pour en savoir plus)
  • Justificatifs de participation à des événements (courses, concours, concerts, etc.)
  • Publications sur les réseaux sociaux

L’expert doit être en mesure de décrire les séquelles qui rendent impossible ou très difficile la
pratique de l’activité. Il est donc crucial de bien préparer l’expertise, avec l’aide d’un avocat
ou d’un médecin-conseil, pour que ce préjudice soit intégré dans le rapport.

Une indemnisation variable selon les cas

Le montant de l’indemnisation du préjudice d’agrément dépend de l’importance de l’activité
perdue
et de son rôle dans la vie de la victime. Quelques critères pris en compte :

  • L’intensité de la pratique (occasionnelle ou assidue)
  • Le niveau d’engagement (amateur, passionné, compétiteur)
  • L’âge de la victime
  • La diversité des activités perdues
  • Le retentissement psychologique

Les tribunaux évaluent ce préjudice de manière personnalisée, en tenant compte de la singularité de chaque situation.

Le rôle de l’avocat dans la reconnaissance du préjudice d’agrément

Le Cabinet AZOULAY & BEVILACQUA veille à ce que chaque poste de préjudice soit bien identifié et correctement indemnisé. Pour le préjudice d’agrément, notre accompagnement consiste à :

  • Identifier les activités perdues lors de l’entretien avec la victime
  • Rassembler les preuves concrètes
  • Préparer l’expertise médicale en amont
  • Argumenter dans le cadre amiable ou judiciaire
  • Contester, le cas échéant, un refus d’indemnisation ou une indemnité insuffisante

Chaque victime est unique, et ses loisirs le sont tout autant. Le préjudice d’agrément n’est pas un luxe : il touche au cœur de la personnalité et du bien-être.

Le préjudice d’agrément reflète la souffrance silencieuse d’une vie amputée de ses plaisirs, de ses passions, de ses activités choisies. Il mérite une attention particulière dans le parcours indemnitaire. Bien prouvé, bien présenté, il permet une reconnaissance complète du vécu de la victime.

Si vous ou l’un de vos proches êtes confronté à une telle situation, n’hésitez pas à nous contacter. Ensemble, nous travaillerons à faire valoir l’intégralité de vos droits, et à obtenir la réparation la plus juste possible.